Itinéraires
C’est un billet un peu spécial. Au sujet d’un itinéraire, celui d’un voyage, celui d’un choix.
Je voulais garder le format du récapitulatif journalier car c’est celui que j’aime rédiger. Mais il ne se prête pas forcément à développer certaines sujets. Alors j’ai fait un mix, en espérant que cela ne vous perde pas trop.
01 novembre 2022
Choix
La météo est plus fraîche, peu propice aux baignades, mais l’atmosphère océanique est agréable.
Je débute la journée par une séance d’instruction avant que nous appelions la famille: mes parents et mon frère. Ce sont toujours de supers moments. Des amis de mes parents étaient en visite chez eux. Je ne les avais pas revus depuis presque 20 ans ! Autant dire que c’était un appel spécial, l’occasion de présenter la petite famille même si les gnomes étaient plus intéressés par la plage !
Nous allons ensuite faire le plein du Lican.
Il y a quelques jours, je vous avais fait part de notre questionnement pour les prochains mois en raison du prix du pétrole qui ne cesse d’augmenter. Nous avons besoin de poser tous les paramètres pour décider de la suite du périple. Nous profitons donc de cette sortie pour faire le tour des revendeurs pour avoir une estimation du prix de revente de notre Lican, compte tenu de la conjoncture actuelle.
Les acheteurs ne sont pas présents mais nous obtenons leurs cartes pour les contacter demain.
Nous terminons la journée par une balade sur la plage, au gré du roulis du Pacifique.
02 novembre 2022
Réflexion
Au matin, un acheteur nous appelle. Il s’agit de celui du revendeur où nous avions acheté notre Lican. Rendez-vous est pris pour l’après-midi.
Nous consacrons notre matinée à donner un bon coup de nettoyage en prévision de cette visite, d’autant que le vent est fort et fait s’infiltrer le sable partout !
Nous prenons le chemin du revendeur et à l’heure dite nous rencontrons John, leur acheteur. Il le regarde puis demande à le faire voir par un technicien. A la suite de quoi il nous annonce un tarif, bien en deçà de notre prix d’achat. Près de 40% de perte ! La douche est froide.
Nous étions conscient de subir une perte au moment de la revente, à la fin de notre périple, mais pas de cette ampleur ni aussi tôt ! De ce que John nous explique, les ventes sont basses ces derniers mois et le marché diminue. Nous discutons pour obtenir un meilleur tarif. John fait des allers-retours avec les bureaux, des managers descendent pour voir le Lican. John finalement nous revient avec un dernier prix. In fine, c’est encore 30% de perte.
John nous informe que l’offre n’est valide que 24h, étant donné l’état du marché.
Nous prenons congé et décidons de pousser la porte d’autres revendeurs. Les acheteurs sont absents mais nous les contactons par téléphone. Même constat, leur première fourchette est du même acabit voire plus basse que celle de John. L’un d’eux propose de passer le lendemain faire un tour pour affiner sa proposition.
Nous retournons au camping et prenons quelques photos du Lican pour envoyer aux autres revendeurs.
Nous sommes dépités de ces annonces. Cela confirme que la proposition de John n’est pas absurde et ce que l’homme pressentait. Il avait regardé le marché de l’occasion et constaté que celui-ci est effectivement bas. De nombreux modèles disponibles, là où il n’y en avait presque pas quand nous sommes venus, à des tarifs à peine supérieurs à celui proposé pour la reprise. D’ailleurs, nous n’avons vu aucun véhicule d’occasion chez le revendeur où nous avions acheté le Lican alors qu’il y a quelques mois il y en avait beaucoup.
Cette baisse drastique s’explique d’une part par un achat pendant une période « haute » (post-covid) – et encore nous ne l’avions pas acheté cher par rapport au marché de l’époque ! – et par les conséquences néfastes de la géopolitique actuelle sur le prix du pétrole.
Si nous vendons aujourd’hui, nous devons être prêts à nous retourner dans la semaine suivant le deal. Cela veut dire organiser la suite avec tout ce que cela implique en termes logistique et réglementaire. Mais c’est également accepter d’arrêter le voyage tel que nous le concevions au départ.
Une soirée d’intense réflexion s’annonce pour mettre à plat toutes les alternatives qui s’offrent à nous. Le vent souffle fort – à l’instar de nos méninges à plein régime – faisant vibrer le slide. L’homme décide de le replier pour la nuit.
03 novembre 2022
Décision
La nuit a été intense. Autant venteuse à l’extérieur que dans nos esprits.
D’ailleurs il pleut au matin.
D’abord, l’homme va réserver une nuit supplémentaire au camp. Cela nous oblige à changer de place mais c’est habituel ici. La veille notre voisine avait fait de même.
Nous consacrons la matinée à continuer d’évaluer les coûts des diverses alternatives et à la visite d’un des revendeurs, qui regarde directement et rapidement l’état d’usure général (pneu, mobilier). Son passage dure en tout et pour tout 10 minutes (et je suis large je pense !)
Dans l’après-midi, nous recevons les offres des deux autres revendeurs, bien plus basses que celle de John.
Nous avons donc une décision à prendre.
Pendant ce temps, les enfants jouent et je découvre d’ailleurs des photos dinosauresques sur mon téléphone !
~*~* Je vais essayer de vous résumer le sens de nos réflexions pour vous exprimer au mieux le choix cornélien auquel nous sommes confrontés *~*~
Beaucoup de voyageurs ne présentent que les bons moments, des photos grandioses qui font rêver et passent sous silence les moments moins funs et les galères. Avec mes résumés quotidiens vous avez déjà une idée des moments les moins glorieux (eh oui je ne vous cache rien), je ne vois pas pourquoi ça changerait !
Je pourrais juste vous annoncer notre décision avec une jolie histoire autour et le tour serait joué. Mais je pense qu’il est aussi important de présenter l’envers du décor même s’il ne fait pas rêver autant que les paysages magiques ou les animaux rencontrés dans leur habitat naturel. Cela fait partie intégrante du voyage.
Notre constat est simple: en quatre mois nous avons presque triplé notre budget essence. Nous étions totalement conscients que faire un roadtrip allait impliquer un budget carburant élevé, d’autant plus avec un véhicule consommant 11.5G/100miles (soit 27L/100) et dans un pays où les distances ne sont pas comparables aux nôtres. Nous avions donc fait nos calculs en conséquence. Il s’agissait du plus gros poste de notre budget comme vous vous en doutez.
Mais voilà, nous sommes face à la conjoncture géopolitique, la guerre en Ukraine et ses conséquences : l’augmentation du prix du pétrole et le taux euros/ dollars bien moins favorable qu’à l’époque de notre préparation (27% de baisse). De plus, de gros frais sur le Lican se sont greffés, pour réparer la fenêtre qui a explosé et le compartiment enfoncé. Les choix s’offrant à nous, en tous cas ceux que nous avons évalués étaient les suivants. Je vous les livre avec nos réflexions à leurs propos. Vous comprenez donc que le dernier cité sera celui que nous aurons choisi. Libre à vous de divulgacher (comme disent nos amis canadiens) votre lecture en regardant directement celui-ci… La tentation est forte, je le sens…
1) Continuer comme prévu. Se poser en Baja California (Mexique), en limitant au maximum les déplacements, et poursuivre après l’hiver en espérant que la situation se sera apaisée.
Cela revient à faire l’autruche. Il n’y a aucune signe que la situation géopolitique sera plus favorable dans quelques mois. Nous continuerions alors de creuser notre budget et de perdre encore sur la revente du Lican. Ce choix serait un coup de poker avec une énorme perte en jeu. De plus, cela impliquerait de faire de nouveaux frais conséquents, un changement de pneus s’avérant nécessaire pour s’aventurer sur les routes Mexicaine sereinement.
2) Vendre le Lican. Partir sur un autre moyen de transport (schoolie, bateau…).
C’est la solution utopique. Trop de frais, trop d’inconnus. Bien que tentant, ce n’est pas une alternative qui se décide dans la précipitation. Si nous devons partir sur un autre moyen de transport à l’avenir, ce que nous n’excluons pas, c’est quelque chose que nous prendrons le temps de maturer et de préparer.
3) Vendre le Lican. Importer notre camping-car français (bien moins gourmand, plus maniable) et partir à la découverte de l’Amérique centrale, ce qui n’était pas envisageable avec le Lican, mais nous inspirerait beaucoup.
C’est la solution du cœur. Les conditions d’importation sont également impactées par l’augmentation du coût du pétrole. Le coût serait donc lourd à supporter et il faudrait que nous nous logions (ou faisions un AR en France) en attendant son arrivée, augmentant la note. Il y a aussi les délais pour obtenir une place dans un cargo et le temps de transport, faisant arriver le camping-car trop tardivement par rapport à la bonne saison pour visiter cette partie.
4) Vendre le Lican. Rentrer. Repartir en Europe avec notre camping-car français.
C’est la solution de la raison. Notre camping-car français est fonctionnel. Il n’y aurait que des ajustements mineurs à y faire pour partir au long court. L’Europe est aussi riche en paysages et culturellement. Il y a des pays qui seront agréables pour passer l’hiver et d’autres que nous avions idée (et envie) de visiter à la belle saison. Le voyage se poursuivrait alors différemment mais tout aussi dépaysant.
C’est donc cette dernière solution que nous avons choisie. Tout mis bout à bout, c’est celle qui nous semblait la plus judicieuse et la moins « à risque » (vous savez ces fameuses analyses des risques…). Même si un tour d’Europe fait moins rêver qu’un tour des Amériques, cela reste un voyage avec tout ce que cela comporte de découvertes et d’ouverture d’esprit.
La question qui peut vous venir est de vous demander pourquoi nous n’avions pas importé notre camping-car français pour faire ce roadtrip en première instance.
La question est pertinente. A l’époque de notre préparation, nous avions émis cette hypothèse. Nous ne l’avions pas retenue. Je ne saurais pas vous dire exactement le pourquoi du comment. Peut-être n’étions nous pas prêts à vivre cette aventure avec notre camping-car ? Peut-être que nous étions encore indécis sur notre capacité à vivre ensemble en microcosme et que nous trouvions notre camping-car trop exigüe pour tenter l’aventure ? Peut-être parce que le cœur a primé sur la raison ? Quoiqu’il en soit, nous ne pouvons pas refaire le passé.
La décision est donc prise avec tout le chamboulement que cela implique.
Un voyage comme le nôtre, cela se prépare et s’organise. Certains voyageurs au long court vendent même leurs biens pour pouvoir vivre leur rêve. Nous avons mis entre parenthèse notre vie professionnelle pour la durée du voyage, au risque de « perdre » notre expertise surtout dans un monde en constante évolution. Nous avons mis notre énergie dans sa réalisation de nombreux mois avant le départ. Nous nous sommes projeté dans ce périple de nombreux mois avant et nous projetons au quotidien dans nos aventures, imaginant ce que nous verrons ici ou là.
Alors décider d’y renoncer c’est faire le deuil d’une situation. On le vit comme un échec avec toutes les remises en causes que cela génère malgré que nous sachions que ce n’est pas une fin définitive, juste un interlude, un changement de cap. Nous avons déjà été confronté à ce type de renoncement, nous savons que nous en sortirons grandi et plus forts. Il faut juste « avaler la pilule » comme on dit…
~*~* Après cet interlude autour de nos choix et notre décision, revenons à nos moutons ou plutôt à notre journée *~*~
Nous validons donc auprès de John notre acceptation de son offre et lui transmettons les premiers papiers pour formaliser le deal. Nous convenons de lui remettre le Lican dans les 8-10 jours le temps que nous organisions le départ.
Déjà, il y a les billets d’avion retour à avancer. Nous avions pris les devants pour interroger la compagnie sur le surcoût éventuel. Obtenir une réponse n’a été compliqué que parce que le service client n’a pas été efficace pour répondre aux questions de l’homme qui a dû les appeler plusieurs fois. Il n’y aura pas de surplus à payer, nos billets étant encore sous les modalités Covid. C’est déjà ça de pris !
Pour la date, nous attendrons encore un peu avant de la valider.
Il va falloir trier ce que nous ramenons, ce que nous ne gardons pas ou ne nous pouvons pas ramener. Même en quatre mois, on en accumule ! Et pour ce que nous ramenons, nous devons évaluer s’il est mieux de les envoyer ou de les prendre avec nous. Ce sera finalement plus économique de les prendre avec nous même si cela implique des bagages supplémentaires, le coût d’envoi étant prohibitif !
Nous vérifions aussi les conditions de retour pour nous (COVID or not COVID, that is the question) et la 4-pat. Rien à signaler de ce côté-là. C’est déjà ça de pris ! Seul bémol, nous devons racheter une caisse pour la 4-pat, celle de l’allée étant trop imposante pour la stocker et nous l’avions donnée peu après notre arrivée… Nous la commandons et devrions la recevoir à notre adresse US d’ici quelques jours.
Aussi, il faut tâter le terrain pour un hôtel et une location de voiture – pour rallier Los Angeles – après avoir déposé le Lican et jusqu’au départ.
Enfin, nous avons quelques démarches administratives à mener relatives au Lican avant de partir.
Surtout, ce qui va prendre le plus de temps, ce sera de faire les bagages.
Une partie de Tetris grandeur nature !
Nous faisons donc un saut au Home Depot pour prendre du film plastique – pour cellophaner les matériels à ramener – et des housses sous vide pour gagner de la place dans les valises.
Nous expliquons la situation aux enfants. Ils sont contents de rentrer mais aussi de repartir avec le camping-car français. Pour le lutin, cela est encore un peu abstrait mais il est enthousiaste à l’idée de continuer à voyager. J’avoue que personnellement ma plus grosse crainte était pour la lutine, la peur qu’elle ne veuille pas repartir. Contre toute attente, elle est contente de rentrer – car elle va pouvoir revoir ses amies – mais est aussi enthousiaste pour repartir.
En fin de journée, l’homme discute avec nos voisins. Il s’agit d’un couple que nous avions croisé lors de notre premier séjour dans ce camp (ceux qui avaient ce drapeau politiquement engagé si vous vous souvenez). Ils confirment la situation actuelle et exprime leur grosse inquiétude pour leur avenir de retraités. Ici, il est monnaie courante que les retraités vendent leur bien, pour financer leur retraite, et partent sur les routes avec leur RV. Malheureusement, l’immobilier à tellement chuté (aussi), que les biens ne se vendent plus.
C’est extrêmement fatigués, moralement et physiquement, le cœur lourd, que nous nous couchons.
~*~* Notez, que malgré ce choix difficile, je vais continuer de vous relater nos péripéties.
Continuez de nous suivre si le cœur vous en dit ! *~*~
Vous allez rentré avec toutes ces images dans la tête de super souvenirs ça n’a pas de prix bisous à tous 😘😘
Oui c’est vrai. Tu fais bien de le souligner. Merci.
Vous êtes des jeunes ( presque encore) vous allez rebondir . Le choix de l’Europe est culturellement un plus .
Vous risquez simplement de comparer l’organisation américaine des camps à ceux d’Europe et je soupçonne que le résultat ne doit pas en faveur de la vieille Europe .
Cela rajoutera un plus à votre aventure.
Ce sera différent c’est vrai. Possible que nous comparions mais nous devrons prendre sur nous.
Texte touchant, juste.
Je valide la technique de l’analyse des risques 😉
Merci :))
Certes l’année usa écourtée à quatre mois vous déçoit mais tout au long de la lecture que vous nous avez offerte je peux que constater que vous avez bien sillonné et mémorisé tant vous les grands tant les enfants de belles images de paysage magique ; en tant qu’enfant la mémoire plus vite emmagasinée et surtout pour toujours donc ils se remémoreront pour toujours ces acquis de voyage bisous